12 septembre 2011

Quelles sont les chances de Garry Conille ?

  Garry Conille est devenu, depuis le 5 septembre, le troisième Premier ministre désigné par le président Michel Martelly depuis l’accession de ce dernier au pouvoir le 14 mai dernier. La correspondance a été officiellement adressée aux présidents des deux Chambres le lundi 5 septembre écoulé. Ses deux prédécesseurs, Gérard Daniel Rouzier et Bernard Gousse, avaient lamentablement échoué à la 49e législature. Le premier sous prétexte qu’il ne se serait pas acquitté de ses redevances fiscales et pour avoir été au service d’une nation étrangère (la Jamaïque) et le second pour des raisons strictement politiques. 

Ce n’est pas un curriculum vitae bien rempli qui peut assurer le poste de Premier ministre à un citoyen haïtien. Si c’était le cas, le nom de Garry Conille ne serait même pas cité comme prétendant à ce poste. Celui-ci aurait déjà été ravi par ceux qui ont été désignés avant lui. Il y a donc d’autres exigences.

L’article 157 de la Constitution

Pour passer le cap de la ratification de son choix, Garry Conille doit, dans un bref délai, déposer au Parlement haïtien une liste de pièces prouvant : sa nationalité et sa fidélité à cette nationalité, son âge, sa citoyenneté, son attachement au pays, etc. La Constitution de 1987 est claire. Pour être Premier ministre, il faut être haïtien d’origine et n’avoir jamais renoncé à sa nationalité, être âgé de trente ans au moins, jouir de ses droits civils et politiques et n’avoir jamais été condamné à une peine afflictive et infamante, être propriétaire en Haïti ou y exercer une profession, résider dans le pays pendant cinq ans consécutifs et, enfin, avoir reçu décharge de sa fonction si on a été comptable de deniers publics.

Procédons par élimination. Monsieur Conille n’a pas besoin de décharge puisqu’il n’a jamais été au service de l’État haïtien, si l’on excepte ces trois années passées en résidence à la maternité Isaïe Jeanty, plus connu sous le nom de Chancerelles. De toute façon, il n’aurait pas besoin de décharge parce qu’il n’a pas été comptable de deniers publics.

Quant à l’âge, M. Conille n’a aucun souci à se faire : il a plus de trente ans. Il en a en fait 45, étant né en 1966. De plus, aucune condamnation n’a été prononcée contre lui. De ce côté-là, il peut être tranquille.

Là où le bât blesse

Il est encore clair que Garry Conille est haïtien. Il est né en Haïti de père et de mère haïtiens. Mais est-ce qu’il avait, un jour, renoncé à sa nationalité ? Aux Parlementaires de le découvrir. En tout cas, « disposer d’un passeport haïtien n’est pas une évidence irréfutable de sa nationalité haïtienne. Le Canada, par exemple, est un pays qui admet la plurinationalité. Par conséquent, on peut détenir un passeport canadien et avoir en même temps un passeport haïtien et un passeport français », nous dit François Anik Joseph, sénateur de l’Artibonite. Donc, un simple passeport ne suffit pas. Il faut autre chose pour prouver sa nationalité. Un certificat de nationalité par exemple.

Ce qui pourrait vraiment poser problème, c’est le critère de résidence. Depuis 2004, Garry Conille est au service du système des Nations unies. Il travaille un peu partout, sauf en Haïti. C’est en 2010, à la faveur du tremblement de terre, qu’il a commencé à faire des va-et-vient en Haïti, sans y être résidé pour autant. Ce facteur pourrait ne pas être une pierre d’achoppement pour le Premier ministre désigné s’il était fonctionnaire haïtien à l’ONU, à l’instar d’un Ericq Pierre, avoue le sénateur Joseph.

Cependant, le député Abel Descollines affirme que le fonctionnaire onusien est détenteur d’un visa G4.. Celui-ci est octroyé aux personnes en poste ou en mission auprès d'une organisation internationale comme les Nations unies. Les demandes de visa G4 ne sont reçues qu’après réception d’une requête officielle de l’organisme international ou du gouvernement du requérant adressée directement à l’ambassade. Le député de Mirebalais continue pour dire que, sur tous les documents remplis par le Premier ministre désigné, Haïti est inscrit comme son lieu de résidence. « La question de résidence ne se pose pas », tranche le député Emmanuel Fritz Gérald Bourjolly.

Mais certains se posent la question : Qui a sollicité ce visa pour M. Conille ? Les autorités haïtiennes ou le Pnud ?

Le président du Sénat, Jean Rodolphe Joazile, ne veut pas anticiper pour ce qui concerne les cinq ans de résidence continue. Il dit préférer attendre le dépôt des pièces de l’intéressé.

De son côté, Jean Hector Anacacis, sénateur de l’Ouest, a prévenu qu’il votera contre le docteur Conille en raison du caractère inconstitutionnel de son choix. Il brandit l’article 157 de la Constitution qui fait obligation à tout prétendant au poste de Premier ministre de résider au pays pendant cinq années consécutives. François Annick Joseph se dit, pour sa part, prêt à donner un vote favorable à la ratification du choix de Garry Conille à condition cependant que ses pièces soient conformes. C’est aussi la position du sénateur Benoit.

Est-ce qu’on peut contourner la question de résidence ?

Garry Conille peut facilement trouver un certificat de résidence, délivré par qui de droit. Wyclef Jean n’en avait-il pas un alors que tout le monde savait que la star du hip hop résidait aux États-Unis ? Le député Descollines confirme que le candidat à la primature dispose d’une carte d’identification nationale, portant peut-être le numéro : 01-01-99-1966-02-00000. Tout est possible en Haïti. Il suffit d’y croire. Ou plus facilement encore, on peut faire taire le troisième et le cinquième point de cet article 157 et voter politiquement le choix de Garry Conille.

En tout cas, Garry Conille a le support d’une bonne partie du Corps législatif et de l’international. Il est un protégé de Bill Clinton, celui-là même qui avait proposé que le président Martelly garde à son poste le Premier ministre démissionnaire, Jean Max Bellerive, coprésident comme lui de la Commission intérimaire pour la reconstruction d’Haïti (CIRH). Cette fois-ci, il est proposé le nom de Garry Conille, membre lui aussi de la CIRH, pour devenir le prochain Premier ministre. À ce titre-là, il remplacerait Bellerive et siégerait comme nouveau coprésident de ladite commission.

Trêve de spéculations ! L’intéressé doit d’abord faire le dépôt de ses pièces pour analyse par une commission spéciale. Attendons voir.
LeMatinHaiti 

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire

Commentez