Le bilan des trente premiers jours de la présidence de Michel Joseph
Martelly sur le plan justice et sécurité est marqué par des enquêtes,
soit des convocations d’ex-membres du pouvoir précédent, soit des
conseillers électoraux sur les fraudes enregistrées lors des dernières
élections législatives. D’ailleurs, le jour de la prestation de serment
du chef de l’Etat, une fâcheuse coupure d’électricité au Parlement
nécessitait déjà une enquête judiciaire que le commissaire du
gouvernement, Me Aricydas Auguste, avait d’ailleurs annoncée. Une
commission d’enquête parlementaire a été créée au Parlement en vue de
faire la lumière sur les fraudes enregistrées lors de dernières
élections. Les parlementaires, des sénateurs pour la plupart, ont
commencé par auditionner des membres du CEP. La conseillère électorale
Ginette Chérubin, pourtant démissionnaire, a dû se présenter par-devant
les membres de ladite commission. Les membres du CEP devaient par la
suite être convoqués au parquet pour les mêmes raisons. Notons que
jusqu’ici seulement trois conseillers en poste ont accepté l’invitation
des deux instances précitées. Le président du conseil, Gaillot
Dorsainvil, a fait état de son mauvais état de santé pour ne pas se
présenter.
Quelques jours plus tard, c’était au tour du directeur général de la
Police nationale, Mario Andrésol, de répondre aux questions de la
commission de parlementaires sur l’implication de certains policiers
dans des fraudes électorales. Le ministre de la Justice et de la
Sécurité publique, Paul Denis, devait aussi être auditionné sur le rôle
joué par les commissaires de gouvernement et les parquets dans des actes
de fraude en faveur de certains candidats de la plateforme INITE. Cette
séance d’audition a été perturbée par un sénateur de l’INITE, Moïse
Jean-Charles (Nord), qui a dénoncé ces auditions comme des persécutions
politiques à l’encontre d’anciens membres du pouvoir. Paul Denis, de son
côté, a nié avoir une quelconque implication dans ces fraudes et a
indiqué n’avoir jamais utilisé les commissaires de gouvernement et les
parquets à des fins politiques. Suite à une deuxième convocation de la
commission, Paul Denis s’était montré très acide envers le président de
cette entité, le sénateur Youri Latortue, qu’il a accusé d’user de sa
casquette de parlementaire pour persécuter ses adversaires politiques.
Il faut toutefois rappeler que, lors de ses premiers jours au
Palais national, le président de la république s’était rendu aux
Gonaïves pour s’enquérir de la situation suite à un incendie qui a
ravagé le marché communal. Michel Martelly avait alors demandé à Mario
Andrésol d’ouvrir une enquête sur cet incendie. Quelques jours plus tard
, plusieurs individus, dont des membres du parti Latibonit An Aksyon
(AAA), ont été interpellés par la Police nationale dans le cadre de
l'enquête sur cet incendie qui serait d’origine criminelle. Le président
de la république s’y était rendu un jour après avoir participé à la
cérémonie de remise de diplômes à la 22e promotion de la Police
nationale. A cette occasion, il n’a pas manqué d’exhorter les
récipiendaires à bien mener leur mission, savoir garantir la sécurité
de la population.
Le volet sécurité semble une des grandes préoccupations de la
nouvelle présidence. Depuis l’accession au pouvoir de Michel Martelly,
la police n’a cessé de mener des opérations. Des gangs sont démantelés
et des bandits et kidnappeurs arrêtés. N’empêche que les cas
d’insécurité ont connu, ces derniers jours, une certaines remontée.
Des crimes odieux continuent d’être commis et des personnalités
continuent d’être la cible de kidnappeurs. Le cas le plus connu est le
meurtre du président du Conseil d’administration de la Banque nationale
de crédit (BNC) Guyteau Toussaint. D’autre part, le numéro un de la
Police judiciaire, le commissaire Frantz Thermilus, avait indiqué
qu’entre cinq à huit cas de kidnapping ont été recensés dans la capitale
de janvier à mai 2011 et annoncé que des dispositions ont été prises
en vue d’enrayer le phénomène. Le commissaire avait notamment cité le
Champ de Mars où les cas d’insécurité sont fréquents et où la DCPJ
devait intervenir. Il est à rappeler que certains camps d’hébergement se
seraient transformés en repaires de bandits. Et, dans sa lutte contre
le banditisme, la police de Delmas a dû intervenir pour démanteler un
gang opérant dans le camp d’hébergement situé à proximité de la route
des pistes à Delmas 2.
Face à la recrudescence d’actes de banditisme dans la région
métropolitaine, la Plateforme des organisations haïtiennes des droits
humains (POHDH) se dit préoccupée. Le directeur exécutif de
l’organisation, Antonal Mortimé, a fait remarquer que, depuis plusieurs
semaines, des actes de banditismes et des meurtres ont été enregistrés
dans la région métropolitaine de Port-au-Prince, citant notamment
l'assassinat de l'ancien président du Conseil d'Administration de la
BNC. Craignant que le climat de violence qui règne notamment dans la
zone métropolitaine n'atteigne une dimension politique, voire
économique, le secrétaire exécutif de la POHDH, Antonal Mortimé, lance
un cri d'alarme à l'endroit de la PNH, des autorités judiciaires et de
l'Etat haïtien, leur demandant de prendre les mesures nécessaires en vue
d'assurer la sécurité des citoyens.
Une autre réalité préoccupe notamment le Réseau national de
défense des droits humains (RNDDH). Il s’agit de brutalités subies par
des détenus au moment de leur interrogatoire dans certains commissariats
de police de la capitale. Selon la responsable de l'organisation de
défense de droits humains, Marie Yolaine Gilles, des détenus sont
décédés régulièrement suite aux mauvais traitements qui leurs sont
infligés. L'organisme de défense des droits humains cite, en exemple,
le cas de Serge Démosthène, interpellé à Vivy Mitchell le 15 juin
dernier dans le cadre d'un conflit terrien, puis conduit au commissariat
de Pétion-Ville. Démosthène est décédé lors de son interrogatoire. Les
responsables du RNDDH ont fait remarquer que la victime, qui a été
interrogée en présence du commissaire de police de Pétion-Ville, Varnel
Lacroix, et du chef du parquet de Port-au-prince, Me Aricydas Auguste, a
été malmenée à coups de matraque avant de rendre l'âme. Notons que ,
dans une note de presse, les autorités policières annoncent que les 3
policiers, qui seraient impliqués dans cette bastonnade, ont été placés
en isolement.
Jean François Alexis/LeMatin
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