25 juin 2011

Justice : les enquêtes s’ouvrent, traînent … et s’oublient

Le bilan des trente premiers jours de la présidence de Michel Joseph Martelly sur le plan justice et sécurité est marqué par des enquêtes, soit des convocations d’ex-membres du pouvoir précédent, soit des conseillers électoraux sur les fraudes enregistrées lors des dernières élections législatives. D’ailleurs, le jour de la prestation de serment du chef de l’Etat, une fâcheuse coupure d’électricité au Parlement nécessitait déjà une enquête judiciaire que le commissaire du gouvernement, Me Aricydas Auguste, avait d’ailleurs annoncée. Une commission d’enquête parlementaire a été créée au Parlement en vue de faire la lumière sur les fraudes enregistrées lors de dernières élections. Les parlementaires, des sénateurs pour la plupart, ont commencé par auditionner des membres du CEP. La conseillère électorale Ginette Chérubin, pourtant démissionnaire, a dû se présenter par-devant les membres de ladite commission. Les membres du CEP devaient par la suite être convoqués au parquet pour les mêmes raisons. Notons que jusqu’ici seulement trois conseillers en poste ont accepté l’invitation des deux instances précitées. Le président du conseil, Gaillot Dorsainvil, a fait état de son mauvais état de santé pour ne pas se présenter.

Quelques jours plus tard, c’était au tour du directeur général de la Police nationale, Mario Andrésol, de répondre aux questions de la commission de parlementaires sur l’implication de certains policiers dans des fraudes électorales. Le ministre de la Justice et de la Sécurité publique, Paul Denis, devait aussi être auditionné sur le rôle joué par les commissaires de gouvernement et les parquets dans des actes de fraude en faveur de certains candidats de la plateforme INITE. Cette séance d’audition a été perturbée par un sénateur de l’INITE, Moïse Jean-Charles (Nord), qui a dénoncé ces auditions comme des persécutions politiques à l’encontre d’anciens membres du pouvoir. Paul Denis, de son côté, a nié avoir une quelconque implication dans ces fraudes et a indiqué n’avoir jamais utilisé les commissaires de gouvernement et les parquets à des fins politiques. Suite à une deuxième convocation de la commission, Paul Denis s’était montré très acide envers le président de cette entité, le sénateur Youri Latortue, qu’il a accusé d’user de sa casquette de parlementaire pour persécuter ses adversaires politiques.

Il faut toutefois rappeler que, lors de ses premiers jours au Palais national, le président de la république s’était rendu aux Gonaïves pour s’enquérir de la situation suite à un incendie qui a ravagé le marché communal. Michel Martelly avait alors demandé à Mario Andrésol d’ouvrir une enquête sur cet incendie. Quelques jours plus tard , plusieurs individus, dont des membres du parti Latibonit An Aksyon (AAA), ont été interpellés par la Police nationale dans le cadre de l'enquête sur cet incendie qui serait d’origine criminelle. Le président de la république s’y était rendu un jour après avoir participé à la cérémonie de remise de diplômes à la 22e promotion de la Police nationale. A cette occasion, il n’a pas manqué d’exhorter les récipiendaires à bien mener leur mission, savoir garantir la sécurité de la population.

Le volet sécurité semble une des grandes préoccupations de la nouvelle présidence. Depuis l’accession au pouvoir de Michel Martelly, la police n’a cessé de mener des opérations. Des gangs sont démantelés et des bandits et kidnappeurs arrêtés. N’empêche que les cas d’insécurité ont connu, ces derniers jours, une certaines remontée. Des crimes odieux continuent d’être commis et des personnalités continuent d’être la cible de kidnappeurs. Le cas le plus connu est le meurtre du président du Conseil d’administration de la Banque nationale de crédit (BNC) Guyteau Toussaint. D’autre part, le numéro un de la Police judiciaire, le commissaire Frantz Thermilus, avait indiqué qu’entre cinq à huit cas de kidnapping ont été recensés dans la capitale de janvier à mai 2011 et annoncé que des dispositions ont été prises en vue d’enrayer le phénomène. Le commissaire avait notamment cité le Champ de Mars où les cas d’insécurité sont fréquents et où la DCPJ devait intervenir. Il est à rappeler que certains camps d’hébergement se seraient transformés en repaires de bandits. Et, dans sa lutte contre le banditisme, la police de Delmas a dû intervenir pour démanteler un gang opérant dans le camp d’hébergement situé à proximité de la route des pistes à Delmas 2.

Face à la recrudescence d’actes de banditisme dans la région métropolitaine, la Plateforme des organisations haïtiennes des droits humains (POHDH) se dit préoccupée. Le directeur exécutif de l’organisation, Antonal Mortimé, a fait remarquer que, depuis plusieurs semaines, des actes de banditismes et des meurtres ont été enregistrés dans la région métropolitaine de Port-au-Prince, citant notamment l'assassinat de l'ancien président du Conseil d'Administration de la BNC. Craignant que le climat de violence qui règne notamment dans la zone métropolitaine n'atteigne une dimension politique, voire économique, le secrétaire exécutif de la POHDH, Antonal Mortimé, lance un cri d'alarme à l'endroit de la PNH, des autorités judiciaires et de l'Etat haïtien, leur demandant de prendre les mesures nécessaires en vue d'assurer la sécurité des citoyens.

Une autre réalité préoccupe notamment le Réseau national de défense des droits humains (RNDDH). Il s’agit de brutalités subies par des détenus au moment de leur interrogatoire dans certains commissariats de police de la capitale. Selon la responsable de l'organisation de défense de droits humains, Marie Yolaine Gilles, des détenus sont décédés régulièrement suite aux mauvais traitements qui leurs sont infligés. L'organisme de défense des droits humains cite, en exemple, le cas de Serge Démosthène, interpellé à Vivy Mitchell le 15 juin dernier dans le cadre d'un conflit terrien, puis conduit au commissariat de Pétion-Ville. Démosthène est décédé lors de son interrogatoire. Les responsables du RNDDH ont fait remarquer que la victime, qui a été interrogée en présence du commissaire de police de Pétion-Ville, Varnel Lacroix, et du chef du parquet de Port-au-prince, Me Aricydas Auguste, a été malmenée à coups de matraque avant de rendre l'âme. Notons que , dans une note de presse, les autorités policières annoncent que les 3 policiers, qui seraient impliqués dans cette bastonnade, ont été placés en isolement.
Jean François Alexis/LeMatin

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