Encore une fois, des révélations du Réseau national de défense des
droits humains (RNDDH) dérangent. Un prévenu est mort dans des
circonstances douteuses au commissariat de Pétion-Ville. La police a
vite tenté d’expliquer et le commissaire du gouvernement a dû se
défendre. Accusateur, le Réseau national de défense des droits humains
(RNDDH) affirme que « les exécutions sommaires, les tortures et les
disparitions » sont aujourd’hui monnaie courante au sein de
l’institution policière.
Le Réseau national de défense des droits humains (RNDDH) pointe du
doigt les policiers du commissariat de Pétion-Ville dans la mort de
Serge Démosthène. Ce dernier a été arrêté lors d’une intervention
musclée de la police de Pétion-Ville dans le quartier de Péguy-Ville. Il
serait, selon le commissaire de police Vanel Lacroix, l’un des
assassins de Guiteau Toussaint, président du Conseil de la Banque
nationale de crédit tué chez lui le 12 juin dernier.
Sévèrement torturé au moment de son arrestation, M. Démosthène a
été ensuite ramené chez lui pour assister à la perquisition de son
domicile. Même des proches du prévenu, présents au moment de
l’opération, ont été physiquement agressés par des policiers, toujours
selon le réseau de défense des droits humains. Le cortège dirigé par le
commissaire Lacroix a finalement conduit le citoyen suspect au
commissariat de Pétion-Ville et son cadavre a été retrouvé quelques
jours plus tard à la morgue de l’hôpital général.
Selon le RNDDH, le chef du parquet de Port-au-Prince, Me
Harrycidas Auguste, était le témoin passif des actes de tortures
exercés par les policiers sur le citoyen arrêté. Me Auguste a vite fait
de se défendre.
La version de Me Harrycidas Auguste
Le chef du parquet de Port-au-Prince explique que le nommé Serge
Démosthène a été arrêté vers 7 heures 30 du matin, le 15 juin 2011,
dans le cadre de l’enquête ouverte sur la mort tragique du président du
Conseil de la Banque nationale de crédit (BNC), Guiteau Toussaint. Au
moment de quitter son bureau vers les 7 heures du soir, il a appelé le
commissaire Lacroix pour avoir des informations sur l’avancement du
dossier. L’officier de police lui a appris la détention de deux
individus dont l’un a avoué avoir assassiné le célèbre banquier,
Guiteau Toussaint. Me Harrycidas Auguste dit être arrivé au commissariat
de Pétion-Ville quelque douze heures après l’interpellation du suspect.
« Je suis rentré au bureau du commissaire Lacroix, et j’ai remarqué un
homme menotté, visiblement maltraité et allongé à même le sol. On me l’a
alors présenté comme celui qui a avoué avoir tué le président du
Conseil de la BNC ». Me Auguste dit avoir ordonné que le prévenu,
apparemment « victime d’une crise », soit transporté à l’hôpital après
prélèvement de son empreinte par la police scientifique dépêchée sur
place. Le commissaire Auguste précise que M. Démosthène est mort à
l’hôpital de l’Université d’État d’Haïti (HUEH) et non au commissariat
de police, comme le prétend le RNDDH.
Cependant, s’il est vrai que le commissaire du gouvernement a
été appelé pour auditionner un assassin qui a confirmé son implication
dans le meurtre de M. Toussaint, Me Auguste confie que la réalité
constatée à son arrivée était bien différente. Sans plus de précisions,
le parquetier doute de l’aveu attribué à M. Démosthène.
Justice pour Démosthène !
L’avocat de la victime, Me Hugues Sylvain, croit que son client
a été utilisé comme cobaye dans des manœuvres visant à brouiller les
pistes pouvant conduire aux vrais coupables du crime crapuleux commis
sur le banquier. Il promet d’aller jusqu’au bout de ce dossier afin que
justice soit rendue à la famille de son client tué. « Les agresseurs de
Démosthène devront payer leurs forfaits », laisse entendre l’homme de
loi.
Serge Démosthène est, à ce jour, l’une des dernières victimes de la
Police nationale d’Haïti, souligne le RNDDH. Rejetant la version donnée
par la police, le réseau informe que Serge Démosthène a été arrêté en
compagnie de Kesthène (ainsi connu) dans le cadre d’un conflit terrien
qui les opposait à un policier. Conduits au commissariat de
Pétion-Ville, ils auraient été soumis à un interrogatoire musclé par
les policiers, sous les yeux complices du commissaire du gouvernement,
Me Harrycidas Auguste et du commissaire principal dudit commissariat,
Vanel Lacroix. Ainsi, Serge Démosthène est mort des suites des sévices
corporels soufferts au commissariat, affirme Marie Yolaine Gilles du
RNDDH.
Quant à Kesthène, après deux visites à la prison de Pétion-Ville, les
responsables de l’organisation de défense des droits humains n’étaient
pas en mesure de vérifier sa présence à la garde à vue. Le Réseau
national de défense des droits humains en profite pour appeler
l’Inspection générale de la PNH à diligenter une enquête sur des cas de
violation des droits humains (tortures et exécutions sommaires) qui
seraient enregistrés notamment aux commissariats de Pétion-Ville, Cité
Soleil, de Jacmel et au sous-commissariat de Grand Ravine, en mettant un
accent particulier sur le cas de Serge Démosthène. Le RNDDH demande que
les coupables soient arrêtés et déférés par-devant la justice afin de
mettre un terme à ces pratiques inhumaines dans les prisons et
commissariats.
L’Inspection générale de la PNH annonce, dans la foulée, l’isolement de 5
policiers impliqués dans l’arrestation et l’interrogatoire de M.
Démosthène.
Une enquête est ouverte pour élucider les circonstances dans lesquelles
le nommé Serge Démosthène a trouvé la mort, selon l’annonce faite par le
commissaire du gouvernement, Me Harrycidas Auguste.
James Dufresne
LeMatin
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